Le ru de Chaton, de Cocherel à Lizy-sur-Ourcq

« Le ciel sera bleu toute la journée à Paris, je vais donc télétravailler dans la campagne environnante ! »

Écourtant la masterclass très attendue de la glorieuse Véronique Gens, je me jette dans 2 métros, 2 transiliens, 1 bus à la demande, et me voilà arrivé, 1h50 plus tard :

Mais ce n’est pas un problème, j’aime la brume. (Et je suis venu travailler.)

Le parcours, grâce au TÀD (Transport À la Demande, réservable sur l’application TÀD d’IDF Mobilités), est en ligne droite depuis le fond de la fin du monde, à l’extrême Nord-Est de la Seine et Marne, aux confins de l’Aisne : Cocherel-Chaton-Ocquerre-Lizy (sur Ourcq). Champs très vallonnés pour de l’Île-de-France, l’impression précieuse d’être au bout du monde, baigné d’un calme absolu, loin de tous les tumultes des sociétés humaines ; le calme absolu – on se sent plus loin de Paris qu’à Lisbonne, Palerme ou Istanbul.

Une fois déposé à Cocherel, je passe par deux capitales. D’abord la capitale l’engagement sur Facebook :

On trouve à Chaton un très beau lavoir, des vues sur la campagne (orientation Sud-Est, idéal pour voir le soleil à la fin d’un jour d’automne ou d’hiver).
Les maisons sont organisées le long de routes latérales qui forment des cours. Rien de pittoresque en soi, mais une organisation singulière de l’espace, caractéristique des petites communautés – j’en ai rencontré beaucoup aussi en Bourgogne occidentale.


Pour la seconde capitale c’est une déception, Ocquerre où je n’ai pas reconnu le Nil.

Flore & faune

J’ai croisé avec plaisir énormément de noyers – possiblement mon arbre préféré, ces grands solitaires aux écorces gris clair, au houppier sinueux, aux feuilles épaisses caractéristiques –, je ne suis pas sûr d’en avoir déjà vu autant.

Sur les arbres, surtout des mésanges charbonnières, peut-être un couple d’accenteurs mouchets, de grands essaims de corbeaux freux, et pour le plaisir du retour, les irrésistibles choucas de Crouy-sur-Ourcq – je vous raconterai par quelle astuce n’ai pu en profiter sans même me balader du côté Crouy…

Hiver

Marcher m’est devenu une activité nécessaire, aussi je ne voulais pas, cette année, y renoncer pendant l’hiver – même si, hors du Sud-Est français, on ne trouve pas de chênes-verts et de chênes kermès, si bien que les forêts paraissent déplumées, les champs nus et boueux.

En réalité, il suffit d’adapter ses balades : privilégier les cours d’eau, les étendues herbues, pour disposer des meilleurs paysages de la saison. Bien couvert avec de multiples gilets (pour pouvoir adapter à la température et l’exercice), le froid est indolore.

Et je me rends compte que je me prends à aimer, au delà même de l’automne, l’hiver – je dis hiver, parce qu’indépendamment de l’alignement des astres, je considère que lorsque les feuilles ont toutes disparu, à la fin de novembre, on ne peut plus parler, visuellement parlant, d’automne.

Pas d’inconfort physique avec la chaleur qui ralentit et écrase, une fin de jour très précoce qui permet de rentrer tôt de balade – me promener sans profiter de la golden hour au minimum (la dernière heure avant le coucher de soleil), et le plus souvent les dernières lueurs, me paraît un gâchis insupportable. Évidemment, je ne peux plus aller en balade en sortant du travail lorsqu’il fait nuit si tôt dans la journée, mais sur mes jours de loisir ou de télétravail, je peux profiter de la lumière rasante d’un soleil courbé vers le Sud toute la journée, tout en pouvant entamer une seconde journée à mon retour précoce !

Et surtout, je me mets à aimer les gris de l’hiver : les verts clairs et froids de l’après-midi, le jaune pâle du couchant, le bleu grisé du soir, la diversité des couleurs n’est pas moins grande qu’aux autres saisons, quoique toujours tempérée par la faible saturation des teintes.

La marche et le monde

Marcher me paraît aussi important d’un point de vue intellectuel – pour appréhender le monde auquel j’appartiens. En voiture (et même en train), on ne comprend rien au territoire que l’on traverse. En marchant, en passant la colline d’en face, en voyant apparaître le clocher, en repérant la source, on comprend la constitution et l’articulation des communautés avant l’ère du pétrole. Rien d’étonnant qu’on ait alors tellement eu peur des étrangers, et que le « passeport à l’intérieur » ait été une pratique juridique nationale pendant quelques décennies, quand on s’aperçoit que ce qu’on peut connaître en une journée de marche se limite aux quelques villages environnants.

Et en marchant, on se prend à penser par ru, par colline. Je me suis demandé le nom du pays que je traversais – j’aime bien le demander aux locaux, lorsque je parcours un territoire reculé, ils ont souvent un nombre invraisemblable de régions, quasiment une par village ! –, mais en vérité, c’était évident à l’allure du paysage, c’était tout le pays du Ru de Chaton, affluent de l’Ourcq. J’ai suivi ce bras d’eau jusqu’au canal, et vu les collines qui l’enserraient, les villages qui ont domestiqué son eau, installé leurs villes, leurs lavoirs, leurs champs dans sa vallée.

L’astuce finale

Arrivé avec une demi-heure d’avance à l’arrêt, et bien sûr la gare fermée (mais toutes lumières allumées à l’intérieur…), je vous livre mon tour pour ne pas avoir froid. Je suis monté dans le train qui arrivait en sens inverse : dix minutes de gagnées jusqu’à l’arrêt suivant, où le train arrive évidemment dix minutes plus tôt… Il ne me reste donc plus qu’à attendre dix minutes, après avoir rechargé mon corps en chaleur. Ça fonctionne vraiment bien – et j’ai ainsi pu revoir la tour de Crouy et entendre ses choucas.


3 réponses à “Le ru de Chaton, de Cocherel à Lizy-sur-Ourcq”

    • Merci Golisande ! Comme je le signalais sur les CSS (secs), c’est vraiment la lumière rasante de fin de journée qui fait tout le travail pour les photos. C’est un des moments où la lumière est assez vive et découpée pour rendre quelque chose qui se rapproche davantage de l’expérience réelle.

      Et en effet, l’IDF n’est pas l’endroit le plus spectaculaire côté paysages (ça manque de montagnes, pour mon goût personnel), mais en 30-45-60 minutes de train, on a toute une gamme de très belles campagnes tout de même. Autour de Dourdan, d’Étampes, de Luzarches, de Meulan, et bien sûr les vallées de la Marne et de l’Ourcq comme ici.

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